P.R. : Quelle formation avez-vous reçue à Moscou et à Paris ?
N.P. : A Moscou,
je suis diplômée de
l’école Gnessine (où a étudié Evgeny. Kissin) et
de deux écoles pédagogiques supérieures de musique. Dans la même
période j’ai obtenu un diplôme de professeur d’anglais à l’institut
des langues étrangères. A Paris, diplôme de psychologue à la
Sorbonne, ce qui m’est très utile dans mon travail. Et je n’ai
jamais cessé de chercher à améliorer mon niveau en travaillant avec
des pianistes concertistes, en participant à des masters classes à
Moscou et à Paris.
P.R. : Quel est le morceau le plus difficile que vous avez joué ?
N.P.: Je vais
essayer d’y répondre : Les difficultés peuvent être d’ordre
technique dont la résolution est indispensable et impérative pour
exprimer les intentions du compositeur, son style, sa sensibilité,
en un mot ce qui touche à l’interprétation. J’ai exécuté les 32
variations de Beethoven devant mes élèves pour le concert de fin
d’année. C’est une œuvre difficile : 27 pages en 10-12 minutes où
l’humeur et la technique changent sans cesse. J’ai joué aussi des
études de Chopin où une seule difficulté s’étale sur plusieurs
pages. Cela a représenté une vraie épreuve pour ma résistance
physique. Encore étudiante, j’ai joué des concertos. La structure
polyphonique de l’écriture de Bach demande une étude préalable de la
construction de l’œuvre et un travail technique particulier.
P.R. : Quelle est l’histoire la plus drôle de votre vie musicale ?
N.P. : Je vais
vous raconter un épisode. En France j’ai enseigné dans une
association. En juin, comme toujours, le concert des élèves, et,
comme toujours, on m’a demandé d’accompagner d’autres instruments,
des chanteurs, si ce n’est une danseuse. Et, comme toujours, sans
répétition préalable, et, comme presque toujours, je voyais la
partition pour la première fois. Cette fois-ci c’était comme dans
‘’Le Quatuor’’ de Krylov. Les élèves jouaient un morceau mais sur le
pupitre du piano on m’en avait déposé un autre. D’habitude je
rattrape facilement les fautes de tempo et de rythme des autres,
mais ce jour là c’était impossible. J’ai dû arrêter ce cauchemar
mais si je ne l’avais pas fait, est-ce que dans la salle quelqu’un
se serait aperçu du désordre ?
P.R.
: Lorsque vous acceptez un nouvel élève, quelle sorte de soutien lui
apportez-vous ?
N.P. : Je peux
aider à changer radicalement une technique défectueuse qui ne permet
pas aux élèves de jouer toutes les œuvres comme ils le souhaitent.
Je peux aider à comprendre le style et la structure de l’œuvre pour
trouver la ligne de l’interprétation. Je suis très intéressée par
des débutants, enfants et adultes puisqu’ il est possible de leur
donner une base solide dès le début de l’enseignement.
P.R. : Après une si longue expérience de l’enseignement en France, vous avez
certainement remarqué des différences entre l’école française et
russe ?
N.P. : Oui, et
quelle différence !!! On peut écrire une thèse à ce sujet. Mais dans
l’interview, je vais souligner l’essentiel. École Russe :
L’attention est dirigée vers l’expression musicale, la sonorité,
l’interprétation. École française : La technique est considérée
principalement comme un but en soi. Mais il existe aussi en France,
des courants si l’on peut dire ‘’souterrains’’ vers un changement de
cette situation. En Russie, les méthodes d’enseignement de la
musique sont semblables dans tous les établissements. Il existe
beaucoup de spécialistes (appelés « méthodistes) qui sont formés
pour conseiller les jeunes enseignants. Tous les étudiants sont
obligés de faire des stages dans des écoles de musique. En France
domine la théorie en Russie la pratique. La tenue de la main et du
corps est primordiale en Russie. En France, j’ai rencontré souvent
des élèves, surtout venant de professeurs particuliers, n’ayant
aucune notion de ce que pouvait représenter la tenue. Sans la tenue
correcte de la main et du corps, on ne peut obtenir une belle
sonorité et les variations qu’elle contient selon les différents
styles.
P.R. : Qu’est-ce qui vous distingue des autres professeurs ?
N.P.
: J’ai déjà mentionné plus haut que j’ai une riche et longue
expérience. En France durant les cinq dernières années j’ai
travaillé avec Monique Deschaussées , j’ai commencé à faire profiter
mes élèves de sa méthode car elle est unique et exceptionnelle dans
le monde. J’ajoute que ma formation de psychologue m’aide
efficacement dans le processus de l’enseignement, et dans la prise
en compte avant tout de l’individualité de chacun de mes élèves.
Cela permet d’exploiter d’une façon plus créative leurs capacités.
P.R
: Selon vous, combien parmi vos élèves deviendront des musiciens
professionnels ?
N.P. : Cette
question est douloureuse et problématique. Ceux qui sont très
musiciens et travaillent régulièrement peuvent prétendre à faire une
carrière. Certains sont déjà des professionnels et viennent pour
perfectionner leur technique et leur interprétation. Un grand nombre
a participé à des concours et emporté des premiers et deuxièmes
prix. Mais hélas, la profession de musicien en France ne semble pas
être très valorisante, ni sûre. Cette situation provoque des
craintes, car devenir un musicien de haut niveau demande énormément
de travail et un absolu don de soi. Pour moi, ma profession
m’apporte tant de joie que je ne l’échangerai contre aucune autre.
P.R.
: Un bruit court que vous ne prenez plus de nouveaux élèves. Est-il
possible, quand même, de poser sa candidature ?
N.P. : Oui,
j’accepte que ces candidats viennent passer un entretien et une
audition. Je peux ainsi estimer leur détermination et leur niveau
ainsi que leur sensibilité à la musique.
Interview (année 2005)
P.R. : Depuis combien d’années enseignez-vous le piano ?
N.P.
: J’enseigne le piano depuis plus de 25 ans. J’ai commencé étant
encore étudiante et j’ai compris très vite que c’était ma vocation.
Enfant, j’ai rêvé de voyager dans le monde pour aller à la rencontre
de l’inconnu. Je peux comparer l’enseignement du piano avec ces
voyages : c’est aussi intéressant et excitant. Chaque élève, enfant
ou adulte, représente une découverte, une promesse et peut- être, un
nouveau talent. L’expérience s’avère toujours enrichissante, quel
que soit le résultat obtenu.
P.R.
: Quel répertoire enseignez –vous aux élèves ?
N.P. : Il est
très large. Depuis l’époque baroque : Bach, Haendel, Scarlatti. Puis
les classiques : Haydn, Mozart, Beethoven qui ouvre l’époque
romantique : Chopin, Schumann, Schubert, Liszt, Mendelssohn.
Viennent ensuite les postromantiques: Fauré, Debussy, Ravel,
Scriabine, Rachmaninov. Le XX ème siècle : Prokofiev, Chostakovitch,
Albéniz etc.
Les
enfants jouent aussi Kabalevski qui composait spécialement pour eux.
Il nous arrive également d’inclure dans le répertoire des Ragtimes,
du Blues. En ce moment, je prépare avec un élève l’accompagnement
pour un opéra de Scott Joplin, ‘’Tremonisha’’. Cet opéra sera
présenté à Paris au printemps prochain.